Madeleine de pro : Nadine Pubert, dirigeante de AIMCIA
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16/10/2023
Et si l’on découvrait une entreprise de la communauté sous un angle nouveau ? Mettons de côté les « metrics » pour se concentrer davantage sur l’humain et la raison d’être. Cette rubrique, on l’a baptisée « Madeleine de pro » en référence à la célèbre madeleine de Proust ! Pour l’écrivain, c’est une simple madeleine qui lui fait réactiver un souvenir fort en mémoire. De la même manière, on a supposé que chaque entrepreneur avait le souvenir d’un moment clé de son parcours. Une sorte de musique interne qui le ramène toujours, malgré les obstacles, à son identité entrepreneuriale. Cette semaine c’est Nadine Pubert la dirigeante de AIMCIA qui nous livre le sien, de la chimie à la programmation informatique. Rencontre !
La French Tech Vendée : Bonjour Nadine. Aimcia est un éditeur de solutions logicielles pour la gestion des campings. Une compétence assez précise qui a connu quelques étapes avant de prendre la troisième position nationale sur son marché aujourd’hui ! Tu nous en dis plus ?
Nadine Pubert : Effectivement ! On est loin de la startup à la croissance rapide et tracée dès sa première année. Pour comprendre l’histoire, il faut remonter à l’origine... En ce qui me concerne, je suis chimiste de formation. J’ai commencé par travaillé au CNRS de Bordeaux en tant qu’assistante d’une thésarde. Cela m’a permis de me confronter au monde du travail dès lors que j’ai été diplômée. Je travaillais sur les chromatographies, une technique de séparation des substances chimiques. C’était les années 90, les résultats sortaient alors sur des graphiques pilotés par des crayons ! Puis j’ai trouvé un poste a Chartres chez Paco Rabanne, dans les labos, pour tester les parfums et les crèmes qui sortaient de production. Je me souviens du jour où je suis arrivée. Il y avait une boite restée de côté. On m’a dit : « Tu vois cette boite qui n’est pas ouverte ? C’est une chromatographie gazeuse mais comme elle est pilotée par ordinateur personne ne sait la faire fonctionner ! Ça a été ma première mission. Je ne connaissais pas grand-chose à l’informatique mais je me suis débrouillée pour comprendre et j’ai trouvé cela passionnant. Puis mon mari a pris un job en Haute-Savoie. Je l’ai suivi et même scénario : j’arrive dans une boite internationale spécialisée dans la fabrication des encres de sécurité sur les billets de banques notamment. Un chromatographe piloté par ordinateur dormait dans un coin sans que personne ne sache s’en servir. Le but était d’identifier tous les produits ce que j’ai fait en créant une base de données. Je suis allée plus loin en inventant des petits programmes pour faciliter mon usage. Mes collègues ont commencé à s’y intéresser et à trouver ça super ! On m’a demandé de les former. Pour que ce soit simple, j’ai encore rajouté des fonctionnalités si bien que mes supérieurs ont remarqué mes capacités. On m’a alors demandé si je voulais intégrer le service informatique de l’entreprise. J’ai dit oui avec une réserve toutefois : j’avais un diplôme de chimiste, pas d’informaticienne. Pour me sentir légitime je suis retournée sur les bancs de l’école à 29 ans et maman de mon premier enfant ! Je suis sortie bien positionnée dans ma promo et suis retournée à mon entreprise en tant qu’analyste programmeur. Par la suite, j’ai intégré la boite qui allait devenir AIMCIA. A la base, on faisait des logiciels pour les magasins de photographie. L’un de nos clients était un ami proche de mon patron. Il venait de vendre quatre magasins de photos contre un très beau camping dans les Côtes d’Amor. Il nous a demandé de lui créer un logiciel pour faciliter la gestion de ses 600 emplacements à partir de son cahier des charges. Au début des années 2000, il y avait très peu de concurrence. J’ai contribué au projet comme si c’était ma boite. Au bout de sept ans, les magasins photos ont commencé à fermer les uns après les autres à cause du numérique. L’ami de mon patron nous a alors proposé de commercialiser le logiciel qu’on avait développé pour lui. En 2011, on avait 37 campings clients. C’est là que mon patron a pris sa retraite et m’a proposé la gérance de sa boite. Je lui ai dit mon intérêt pour l’activité camping uniquement. Il m’a donc vendu les droits d’utilisation du code et me voilà partie seule avec un PC et 37 campings pour lancer l’aventure AIMCIA en Vendée, ma nouvelle terre d’accueil !
FTV : Une sacrée aventure en effet où en es-tu aujourd’hui dans ton développement ?
N.P : Je me suis donné les cinq premières années d’AIMCIA pour valider ma capacité à gérer une entreprise. J’ai commencé seule en rentrant 15 clients par an, puis 20 puis 30 puis 50... ! Aujourd’hui nous accompagnons 530 campings grâce à une super équipe de 15 personnes ! Nous sommes le 3ème logiciel au niveau national dans ce domaine de compétence. Notre modèle de croissance et plutôt lent, j’ai mis du temps à me faire confiance. La légitimité est quelque chose qui m’a longtemps torturé mais aujourd’hui j’assume mieux ma position et j’ai surtout appris à m’entourer. En 2017, j’ai entrepris la réécriture complète du produit : changement du code, de la technologie, du business modèle ! Je me suis donné les 5 années suivantes pour structurer l’entreprise et c’est ce qu’on a fait ! Je me suis d’abord interdit d’intervenir directement alors j’ai embauché une équipe technique de 6 personnes pour le faire ! Depuis l’année dernière on opère la migration avec l’objectif de convertir nos 530 clients d’ici l’année prochaine afin d’attaquer la dématérialisation des factures sur de bonnes bases !
FTV : Cette année tu sièges au board de la French Tech aux côtés de 3 autres femmes chefs d’entreprise. La Tech se féminise c’est quelque chose qui te réjouit ?
N.P : Oui bien sûr, quand j’ai commencé nous étions très peu… A l’université, sur une promo de 100 on était à peine 3 filles, ensuite quand j’ai commencé à me rendre à des colloques professionnels le ratio moyen était toujours de 3 filles mais sur 500 personnes ! Aujourd’hui je suis assez fière d’avoir une équipe proche de la parité avec même un avantage aux filles ! J’ai quelques profils techniques féminin et davantage encore sur la Hotline.
Encore une fois et sur ce sujet en particulier, il faut que nous les femmes, nous apprenions davantage à nous faire confiance. On part toutes avec un capital plus ou moins entamé en fonction de nos origines, de notre histoire familiale mais à partir du moment où on commence à s’autoriser à rêver, on va plus vite ! Si je peux aider de jeunes entrepreneurs (euses) à prendre conscience de cela via mon implication dans la French Tech alors je serais heureuse de le faire !
FTV : Merci Nadine pour ce partage !